jeudi 4 août 2011

Pour une politique du savoir

La question se pose, à chaque fois qu'il y a un mouvement autour des universités, d'arriver à faire en sorte que ne soit pas laissée hors champ la façon dont est organisé, dont est construit le savoir universitaire lui-même. C'est ce qui me semble fondamentalement en question, et c’est ce dont beaucoup de gens ont parlé ici.
Cette question pourrait être formulée : quel sens peut-on donner à l’expression « politique du savoir » ? Entendue en deux sens qui sont d'une part la place du savoir dans le fonctionnement de ce que certains ont proposé d'appeler le « capitalisme cognitif », centré sur une économie de la connaissance, et d'autre part comment construire ou comment concevoir une image du savoir qui soit irréductible à ce fonctionnement ? Etant entendu que l'on ne peut pas se contenter de resservir la critique de l'idéologie telle qu'elle a été menée il y a longtemps. Il me semble que les travaux de Foucault en particulier sont les plus convaincants sur la nécessité de dépasser une analyse en termes de critique de l'idéologie ; je pense en particulier à l'entretien de 1976 dans lequel il dit qu'il faut substituer au couple science-idéologie, le couple politique-vérité, et qu’il faut examiner dès lors ce rapport entre politique et vérité, ou entre politique et savoir.
Ce qui est vraiment très important il me semble c'est de remarquer la limite du point de départ des mouvements de contestation. Ce qu'on entend dans les luttes liées à l'université et d'une façon générale à l'école, c'est qu'il y aurait quelque chose comme des impératifs économiques, des impératifs marchands, qui s'imposeraient dans un espace qui devrait a priori être soustrait à ces impératifs ; on serait supposé penser que cet espace, l'espace universitaire, l'espace de construction et de diffusion du savoir, y serait a priori étanche. Or en réalité il me semble nécessaire de bien voir qu'il n'y a pas intrusion d'une logique libérale dans un espace qui y serait a priori soustrait. La question est plutôt de savoir ce qui dans cet espace est déjà disponible à ces impératifs, déjà tourné ou déjà préparé à cette intrusion qui n'est donc pas une intrusion qui vient de l'extérieur : quelque chose bien plutôt l'appelle et en réalité a peut-être toujours été en phase avec ces impératifs là.

[...]

Pour conclure sur ces quelques points dont on va continuer à parler, il me semble qu’une politique du savoir devrait avant tout permettre de défaire les fausses étanchéités, dont je vois quatre types. Premièrement entre un savoir à priori soustrait à sa valorisation marchande et sa valorisation de fait, deuxièmement entre la question de la diffusion et de la transmission du savoir et celle de son mode de constitution, troisièmement entre le savoir qui se transmet et celui qui est en œuvre dans la lutte politique, et quatrièmement entre la question du savoir telle qu'elle est ainsi posée et la manière dont peut être subjectivée l'effectivité d'une lutte politique. Dans tous les cas, ce qui est en jeu de multiple manière est la relation du savoir et de la vie.

B. Aspe, 25 mars 2009

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